La France interdit les abayas musulmanes dans les écoles, suscitant un nouveau débat sur la laïcité
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La France interdit les abayas musulmanes dans les écoles, suscitant un nouveau débat sur la laïcité

Jun 01, 2023

L'interdiction par le gouvernement français des robes longues et amples, portées principalement par les femmes musulmanes, dans les écoles, a déclenché un nouveau débat politique sur les règles laïques du pays.

L'annonce faite à l'approche de la nouvelle année scolaire a suscité des applaudissements de la droite, mais aussi des critiques puisque le ministre français de l'Éducation a déclaré que ces vêtements mettaient à l'épreuve la laïcité dans les écoles du pays.

La France a imposé depuis 2004 une interdiction des symboles religieux dans les écoles publiques, notamment le foulard musulman, la kippa juive et les grandes croix, afin de respecter sa stricte laïcité, connue sous le nom de « laïcité ».

Le sujet est sensible, déclenchant régulièrement des tensions politiques dans le pays avec des interdictions plus larges affectant souvent principalement les musulmans, dont certains se sentent stigmatisés par les efforts visant à les amener à se conformer.

Les critiques affirment que les abayas, portées par les femmes, et les kamees, les vêtements masculins, ne sont rien de plus qu'une déclaration de mode qui ne constitue pas un signe ostentatoire de religion et ne devraient pas être interdits dans les salles de classe en vertu de la loi de 2004.

Le ministre de l'Education, Gabriel Attal, a déclaré lors d'une conférence de presse que leur prévalence croissante devait être confrontée à une réponse ferme pour lutter contre ce qui s'apparente parfois à des « infractions, des tentatives de déstabilisation ».

"Nos écoles sont continuellement mises à l'épreuve et, au cours des derniers mois, les violations de la laïcité ont considérablement augmenté, notamment avec le port de vêtements religieux comme les abayas et les kamees."

Le chef du parti conservateur Les Républicains, Eric Ciotti, n'a pas tardé à saluer cette décision, qui, selon lui, était attendue depuis longtemps.

Un syndicat de directeurs d'école a salué la décision, affirmant qu'il lui fallait avant tout de la clarté de la part du gouvernement.

Mais de nombreuses personnes à gauche ont critiqué cette décision, notamment la députée d'extrême gauche Clémentine Autain, qui a critiqué ce qu'elle a qualifié de "police vestimentaire" et une démarche "caractéristique d'un rejet obsessionnel des musulmans".

Et certains universitaires ont convenu que cette décision pourrait être contre-productive, d’autant plus qu’elle concernait des vêtements qui, selon eux, étaient portés pour la mode ou l’identité plutôt que pour la religion.

"Cela va nuire aux musulmans en général. Ils vont, une fois de plus, se sentir stigmatisés", a déclaré la sociologue Agnès De Feo, qui étudie les femmes françaises portant le niqab depuis une décennie.

"C'est vraiment dommage parce que les gens vont juger ces jeunes filles, alors que [l'abaya] est une expression adolescente sans conséquence."

Djennat, 22 ans, qui porte des abayas à la maison, a déclaré qu'elle ne comprenait pas pourquoi cela était interdit.

"C'est une robe longue, assez ample, c'est un vêtement normal, qui n'a aucune signification religieuse", a-t-elle déclaré à Reuters, refusant de donner son nom complet car elle suivait une formation pour devenir enseignante.

En 2004, la France a interdit le port du foulard dans les écoles et a interdit le port du voile intégral en public en 2010, provoquant la colère de certains membres de sa communauté musulmane forte de plus de 5 millions de personnes et déclenchant la création d'écoles musulmanes privées, a déclaré Mme De Feo.

Il y a moins d'un an, le prédécesseur de M. Attal, Pap Ndiaye, s'était déclaré contre l'interdiction de l'abaya, déclarant au Sénat que "l'abaya n'est pas facile à définir, légalement... cela nous mènerait devant le tribunal administratif, où nous perdrions". .

Daoud Riffi, qui enseigne l'islam à l'Institut d'études politiques de Lille, partage cet avis.

"En soi, une organisation islamique n'existe pas. Nous devons remettre en question ce mythe", a-t-il déclaré à Reuters.

M. Riffi a déclaré qu'il existait une tendance de mode plus large parmi les lycéennes, qui achètent des robes longues et des kimonos en ligne.

M. Riffi et Mme De Feo ont déclaré que la distinction entre mode et religion pourrait conduire à un profilage des élèves en fonction de leur identité.

Les autorités françaises craignent que les symboles religieux ne soient une porte d'entrée vers le radicalisme islamique, qui a éclaté en violence en France dans le passé, et font pression en faveur de la laïcité pour tenter de garantir la neutralité religieuse dans une nation multiculturelle.

Une loi de 2021 contre ce que les responsables appellent le « séparatisme » visait à renforcer davantage la laïcité française, notamment en augmentant la surveillance des mosquées, des écoles et des clubs sportifs pour éliminer les signes de radicalisme islamique.