La France interdit l'Abaya dans ses écoles
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La France interdit l'Abaya dans ses écoles

May 29, 2023

Le gouvernement français a promulgué une loi interdisant le port de l'abaya dans les écoles publiques. À peine cette annonce a-t-elle été faite que les médias ont été inondés d’informations selon lesquelles cette mesure était islamophobe et visait spécifiquement les étudiants musulmans. Dans la mêlée, tout le monde a oublié l'attaque néo-impérialiste rapace de la France contre le Niger et d'autres pays francophones d'Afrique. Le mouvement croissant contre l'exploitation continue des ressources naturelles du Niger par la France semble désormais être une cause perdue. Loin des projecteurs médiatiques, les Français sont désormais en train de constituer une alliance contre-révolutionnaire pour briser la résistance des peuples africains.

Mais revenons aux vêtements en question. L'abaya est un vêtement ample qui se porte sur n'importe quelle robe, l'intention étant de couvrir complètement les contours du corps. Lorsque les hommes portent une robe aussi longue, on l'appelle normalement une thobe ; le mot abaya étant réservé aux vêtements pour femmes uniquement. Il faut dire que si très peu d'hommes musulmans en France portent la thobe, on constate une tendance croissante chez les femmes musulmanes à porter l'abaya. Les autorités françaises comptent l'interdire à partir du 4 septembre, date de la réouverture des écoles. Ce n’est pas la première fois que les Français s’opposent aux vêtements qu’ils considèrent comme religieux.

En 2004, la France a adopté une loi interdisant toute manifestation de symbolisme religieux au sein de ses écoles. L'interdiction ne se limitait pas au voile musulman mais aussi à la kippa juive et à la croix chrétienne. Cependant, le discours qui circulait autour de cette mesure était qu’elle était spécifiquement conçue pour mettre un terme à l’expression de symboles religieux musulmans. Ce récit a gagné en crédibilité car il est vrai que parmi ceux qui insistaient sur le port de tels symboles religieux, la majorité étaient des musulmans.

La loi de 2004 ne donne cependant pas de nom à l’abaya. Lorsque la préoccupation a été soulevée par les directeurs d’école, le gouvernement leur a donné le pouvoir discrétionnaire de faire ce qu’ils jugeaient approprié. Toutefois, en l’absence d’une loi claire, de nombreuses écoles hésitent à prendre une position ferme sur cette question. Cette préoccupation semble désormais satisfaite par la nouvelle loi interdisant l'abaya. Les écoles se méfiaient depuis de nombreuses années de l’exposition des abayas. Dans un rapport publié en 2022, les directeurs d’école avaient affirmé que les abayas étaient le nouveau moyen par lequel le symbolisme religieux pénétrait dans les écoles. Ils avaient également fait valoir que cela était le fait d’une minorité déterminée à créer un espace pour leur religion dans la sphère publique, ce qui devrait être un anathème pour la laïcité française.

Si la droite française salue cette démarche du gouvernement, la gauche est divisée sur la question. C’est une situation gagnant-gagnant pour le gouvernement centriste actuel, car il a signalé un virage à droite mais a également veillé à ce que la gauche soit dans le désarroi. Comme on pouvait s’y attendre, les organisations musulmanes se sont opposées à cette décision, la citant comme un autre exemple de restriction de l’expression religieuse. Certains musulmans et ceux de gauche ont fait valoir que l’abaya n’est pas un vêtement religieux mais plutôt culturel, que les musulmans de régions spécifiques la portent. Cependant, cela ne semble pas convaincant dans la mesure où la grande majorité de ceux qui insistent pour porter l’abaya sont des musulmans.

Ce que le récit ne nous dit pas non plus, c’est que la loi sera limitée aux écoles publiques. En d’autres termes, les élèves sont libres de porter ce qu’ils veulent dans les écoles privées. Il convient également de souligner qu’à l’exception des institutions étatiques, les musulmans (et autres groupes religieux) sont libres de porter ce qu’ils veulent, y compris le voile et l’abaya. Le gouvernement a réitéré que ces restrictions s'appliqueront uniquement dans les écoles publiques.

Pourquoi les musulmans insistent-ils pour porter l’abaya et d’autres formes de symboles religieux ? Pourquoi les autres communautés religieuses ne sont-elles pas si exigeantes quant à cette observance ? La réponse simple à cette question est qu’il existe une absence marquée de sécularisation dans les sociétés et cultures musulmanes. Et on ne parle pas des pays dans lesquels les musulmans sont majoritaires. Même dans les pays d’Europe où les musulmans sont minoritaires et au sein d’un État laïc, ils ont tendance à privilégier la sacralisation de la sphère publique. La réponse la plus complexe pourrait venir de la question de savoir à qui profite une telle affirmation de religiosité. Le voile et désormais l'abaya semblent être les symboles de l'Islam politique. Les chercheurs qui ont travaillé sur la question soulignent comment ils sont devenus de puissants symboles de l’islamisme, d’abord dans le contexte de pays comme l’Égypte, puis en raison de la migration en Europe. Derrière ce simple vêtement se cache une tentative très organisée, non seulement d’affirmer l’islam politique, mais aussi de démanteler progressivement les principes sur lesquels repose l’État laïc.